¤ Soif, Amélie Nothomb, chez Albin Michel, 152 pages, 17,90 €
¤ Le bal des folles, Victoria Mas, chez Albin Michel, 251 pages, 18,90 €
¤ Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois,
aux Editions de l'Olivier, 246 pages, 19 €
Trois, pour faire un tiercé y a pas mieux...
Les photos des livres dans l'ordre où je les ai achetés et lus, il n'y a plus très loin d'un mois maintenant. Une primo-romancière - déjà lauréate du Prix Stanislas et du Prix Première Plume 2019, et encore en course pour le Renaudot et le Prix du Premier Roman - entre deux routiers parmi les plus expérimentés de notre paysage littéraire qui, eux, sont toujours en lice pour le Prix Goncourt après un troisième écrémage.
Si je dois les mettre dans l'ordre de mes goûts, il sera inverse : j'ai adoré Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, beaucoup aimé Le bal des folles. Soif, nettement moins. Ce qui, en de nombreux points, rejoint les appréciations des lecteurs telles qu'elles s'expriment sur Babelio *(1,2,3).
Le rôle des morts. Si je devais n'établir qu'un lien entre ces trois livres, ce serait bien ça : le rôle qu'y jouent des morts très vivants (à cette différence près que d'une manière générale, les morts sont moins bêtes que les vivants, ainsi que l'écrit Amélie Nothomb). Mais c'est ce que vous découvrirez, je l'espère par vous-mêmes.
Certains d'entre vous se seront peut-être étonnés de ne pas lire ce billet plus tôt : je leur avais promis une suite à "Souris..." au surlendemain de sa publication. Car c'était bien à Soif et à la Passion du Christ qui en fait la trame que se référait mon post du 6 de ce mois, les plus avisés l'avaient deviné.
Et c'est encore Soif qui m'aura inspiré le titre de celui-ci :
"Mon tiercé gagnant - l'amour, la soif, la mort -..." (page 130). Ainsi Jésus commence-t-il à débriefer son parcours terrestre après la descente de croix. Vous vous étonnez ? (Pas moi, notez bien.) Il s'empresse de s'en expliquer : Mourir, c'est faire acte de présence par excellence... (et, page 131) Le mort sait-il qu'il est là? Je prétends que oui, mais comme je suis mort, on va dire que je prêche pour ma chapelle (vous avez cru reconnaître Raymond Devos ? C'est normal, il est belge, Amélie Nothomb aussi). Admettons que je ne sois pas n'importe quel mort.
C'est un peu le problème. On a du mal à oublier le chapeau de l'auteure sur la tête du mort. Après sa résurrection passe encore, mais tant qu'il était sur la croix !... Comme il est écrit : Il y aurait de quoi rire. Je ne m'y risque pas, cela m'arracherait un spasme de douleur [...] J'ai affreusement peur de gâcher ma mort (page 90). Et, si pour éprouver la soif il faut être vivant (page 147), on sent tout au long que la tasse de thé n'est jamais très loin. Ce Jésus n'en finit pas d'enfiler les phrases et les mots d'auteur. Quand ce ne sont pas des mots inutilement savants : son péché mignon ? Il fait du Nothomb. Et quand ce n'est plus du Nothomb, il cite Malherbe, Sainte Thérèse d'Avila et Proust sans les nommer. Très classe. Champagne !
Ce n'est pas que ce soit mauvais (je continue à en relire des passages de temps à autre et à en tirer quelques réflexions), c'est faiblard. Ce qu'il est venu faire dans cette galère ? Jésus se le demande, mais il semble moins poser la question à son Père qu'à la pétillante Amélie (déjà en train de sabler le champagne ?)... Elle aura eu le mérite de le laisser en toute fin s'interroger devant le miroir : Ce que je vois dans mon visage, personne ne peut le savoir. Cela s'appelle la solitude. Il y a de quoi !
Voilà. J'avoue avoir été étonné de découvrir Soif dans la première sélection du Goncourt de cette année, je le suis bien davantage de le retrouver dans la dernière - encore que ! - où ils ne sont plus que quatre (dont Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, Dieu merci). C'est ce que j'ai attendu de constater avant d'en tirer quelques lignes.
Qu'importe la suite. Dès à présent Amélie Nothomb caracole en tête des ventes. Elle a ses lecteurs. Dont je suis. Inconditionnel, certainement pas. J'ai évoqué Proust, elle ne peut que le citer.
* Sur Babelio :
1 - Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Un autre tiercé, dès l'abord dans l'ordre, cette fois-ci :