BRUITS
À Sèvres-Babylone comme à Saint-Paul,
De Saint-Sulpice aux Tuileries ou à Vaneau,
De bouche en bouche, de rive en rive,
Paris, en hoquetant, vomit sa vie
Dans le métro et abandonne,
Collés aux murs des couloirs et des quais,
Des pauvres gens qui nous ressemblent
Et qu’on s’attarde moins à regarder
Que les affiches.
À Cluny-La Sorbonne, un après-midi gris,
J’ai pris le temps d’entendre
Une femme à la beauté triste
Qui se rappelait avoir eu dans la tête
Des papillons.
C’était, m’a-t-elle dit, un murmure soyeux,
Un bruissement constant d’ailes fragiles
Et diaprées,
Une musique singulière, aux tons feutrés,
Qui l’enivrait et attirait plus sûrement les hommes
Que ne l’eût fait le chant d’une sirène.
Ce fut longtemps un tourbillon léger
D’amants insouciants, une incessante fête,
Jusqu’à l’amer amour, l’amour fatal
Qu’elle connut avec un militaire
Dont la passion unique et taciturne
N’était pourtant que d’épingler les papillons.
La malheureuse, je n’ai pas supporté sa peine
Tant les grelots multicolores
Qu’elle a maintenant dans la tête
Font un tintamarre effrayant.
Alors j’ai quitté la station
Et j’ai marché, le nez au ciel,
Suivant le boulevard Saint-Michel
Jusqu’au jardin du Luxembourg
Où se promènent, quand l’air est doux, les sénateurs.
Au moins, ce n’est pas sous le crâne d’un sénateur
Qu’on trouve des horreurs semblables.
Et mon cœur d’enfant a frémi
Quand sont venues à mes oreilles
Les notes gaies et aigrelettes
D’un limonaire.
Géhèm
En savoir un peu plus sur nos amis les sénateurs ?