Voilà qui sonne comme une bonne résolution, c'est la période.
Peut-être vous laisserez-vous tenter...
À demain
"...Je suis accro aux médocs, accro au sucre, accro au mal-être. Heureusement que j'ai de l'humour, sinon tout cela pourrait paraître triste et pathétique.
J'ai décidé d'arrêter de faire semblant."
Cela remonte plutôt à avant-hier. En réalité à quelques mois. Je veux dire : la date de mon acquisition. Ce n'est a priori pas le genre de livre que j'achète. Ce qui m'a amené à le faire? Le court prologue étonnant, amusant, enlevé. La dédicace À mes chats. Le bandeau sans doute. J'ai pensé trouver dans la photo ce que les quelques pages lues avant de me décider ne disaient pas. Le nom de Wolinski. Georges, son père. C'était un homme aimable.
Cela se lit d'une traite. 171 pages aérées. D'une liberté sans filtre. Au jour le jour d'une cure faite en Allemagne, l'été 2022, à tourner autour de maux profonds.
"J'ai vingt et un jours. Vingt et un jours pour écrire ce livre, vingt et un jours pour aller mieux, vingt et un jours pour comprendre. Vingt et un jours de bouillon pour [...] retrouver quelqu'un que j'ai perdu sur le chemin."
Je l'ai repris quelques fois depuis parce qu'au bout du compte j'avais rencontré une femme terriblement de son époque, touchante, attachante. Pas au bout de ses larmes, mais sur le chemin de s'accepter.
Quelques mots sur le titre :
"Maman, excuse-moi. Je t'ai détestée. Je te déteste. Je me suis accrochée au fil de ta vie.
Le 6 décembre 2021 à 17h14. Maryse, qui aurait dû mourir en octobre, est toujours là.
«Elle ne lâche pas», dit le médecin. [...] Quand je sors de sa chambre, elle lève sa petite main, si maigre et si fragile, et pointe un doigt presque autoritaire, le doigt de la maîtresse d'école, pour me dire : «À demain.» À la fois une menace et une supplication, ce fameux geste qu'elle reproduit depuis dix jours, c'est tout ce qui lui reste pour me garder avec elle.
Il y a des «À demain» plus douloureux que d'autres. Un soir, le médecin, que j'aimais bien, m'a demandé de ne plus te dire : «À demain.»
Pour te laisser partir."
Quelques repères dans un récit qui n'est pas linéaire, ça aide :
Elsa : née le 14 décembre 1973.
Son père : Georges Wolinski, assassiné le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo.
Sa mère : Maryse, seconde épouse de Georges, décédée d'un cancer le 9 décembre 2021.
La cocaïne : commencée à 20 ans et arrêtée à l'annonce de sa première grossesse.
Sa fille aînée : Lilah, née en 2005.
Sa fille cadette : Bianca, née en 2009.
Les antidépresseurs : commencés dès avant la naissance de sa seconde.
Et partout l'irrépressible tyrannie du sucre et de la malbouffe.
"Je dois avouer qu'en matière de goûts masculins, je ne suis pas la meilleure."
Les ex : Richard Anconina, Claude Berri, Dominique Farrugia, Doc Gynéco, Stomy Bugsy, Frédéric Diefenthal.
Les ex-maris : 1 - Fabien Onteniente. 2 - Arnauld Champremier-Trigano, père de ses deux filles.
(Aucun n'est nommément cité dans l'ouvrage.)
Au secours, Georges !
"Je relis le passage de Philippe Lançon, dans son livre, Le Lambeau : «J'ai vu le corps de Wolinski. Il était adossé à un mur. Son visage était apaisé, un peu triste, les yeux clos, j'ai pensé qu'il ressemblait à un vieil oiseau splendide, une sorte d'aigle infiniment civilisé et que la mélancolie qu'il cachait si bien l'avait rattrapé. [...]"
Ce dont le vieil oiseau infiniment civilisé a doté sa fille, ce qui devrait lui être l'aide la plus précieuse pour tenter de se comprendre, c'est son humour.
"Je voudrais une thérapie jusqu'à la fin de mes jours. Avec Christophe André. Avec Boris Cyrulnik aussi. Je pourrais faire un hot-dog entre les deux et je serais la saucisse qu'on écoute."
Pour le reste se peut-il que le papa-loukoum soit passé jusqu'au bout à côté de ce qui avait commencé à se jouer dans la tête de la petite Elsa ?
"J'ai encore des questions." Sans aucun doute vous en restera-t-il aussi...
*
«Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses.»
Rainer Maria RILKE
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Je n'ai pas choisi la date de ce billet par hasard. Demain, cela fera neuf ans qu'a eu lieu la tuerie de Charlie. J'en ai profité pour relire Le Lambeau. Six ans après, je le recommanderai tout autant qu'aux premiers jours.
Le Lambeau, Philippe Lançon. 510 pages. nrf GALLIMARD. 2018.
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Le 11-01, 21:10 (rien de spécial).
Si quand même... Il a fallu que je digère la première énormissime farce du millésime français annoncé par notre roitelet d'opérette : Rachida Dati à la Culture. 🤣🤮
Je viens de réaliser que mourir de rire, à mon âge, n'est pas la chose la plus drôle qui soit. Je suis passé de peu à côté.
Alors pour Elsa (et peut-être quelques-autres), pour essayer comme elle de "réussir à voir la beauté même quand c'est dégueulasse"...