Ne nous égarons pas dans les détails décoratifs : je suis un solitaire de bonne compagnie. Faut pas trop me courir sur le haricot, c'est tout !

Et libérez-nous du foot, amen !

Nihil novi sub sole.

 

Coupe du monde 2002. Le 11 juin, l'équipe de France, au terme de son troisième match de groupe, avait été éliminée sans gloire. A l'époque je sévissais à Aubenas, gros bourg de l'Ardèche méridionale, dont la place de l'Hôtel de Ville venait d'être transformée à grands frais en une triste horreur bitumeuse. J'avais commis, pour la circonstance, le court article que voici : 

 

Ah peuchère ! Et un et deux et trois… et couac. Nos coqs devenus chapons, la basse-cour plongée dans l’hébétude, les hymnes ravalés, l’étendard sanglant replié. Voilà, lectrices et lecteurs chéris, la France « d’en bas » au plus bas.

J’ai cru opportun d’inviter le commis de mon charcutier – que j’ai croisé, hagard, la crête exsangue et avachie – à partager avec moi un verre pour célébrer benoîtement l’incertitude glorieuse du sport et lui apprendre, comme le bruit m’en est venu jusqu’à ma tour d’ivoire, l’incomparable vertu de l’alternance. Il y a vu un amalgame : d’un malheureux, j’ai fait un révolté.

Après coup, j’ai compris l’étendue de ma maladresse : au vrai, il lui restait quoi pour rêver ? Pierre Daninos observait que les Français mettent dans leur voiture encore plus de fierté que d’essence ; à un commis il faut, pour vivre, plus d’espérance que de boudin. C’est bien humain. Que nos édiles me pardonnent : j’ai dû lui jurer mes grands dieux – ironisant, contre nature, sur la funeste marée noire qui, vers la fin du mois de mai, s’est répandue devant le château d’Aubenas – qu’un jour, sous le bitume, on trouverait la plage, et la lueur d’espoir que j’ai rallumée dans ses yeux m’a largement récompensé.

Sur ma lancée, j’ai cru possible de lui faire entrevoir les joies intenses que l’art aussi sait procurer. Vaste entreprise ! Et, de fil en aiguille il m’a conduit pour maintenir son attention à imaginer deux équipes à partir des artistes que je lui ai vantés :

 

     EQUIPE I                                                         EQUIPE II

1   Pablo Picasso                                               1   Francis Bacon

2   Francis Picabia                                             2   Germaine Richier

3   Jackson Pollock                                            3   Louise Bourgeois

4   Ofelia Rodriguez                                          4   Robert Rauschenberg

5   Elizabeth Murray                                          5   Helen Frankenthaler

6   Judith Barry                                                  6   Barbara Bloom

7   Louisa Chase                                                7   Joan Mitchell

8   Jennifer Bartlett                                            8   Elaine De Kooning

9   Jeff Koons                                                     9   Julian Schnabel

10  Marcel Duchamp                                         10  Joseph Beuys

11  David Mach                                                 11  Robert Arneson

 

« Ouais ! mais ça fait pas des Français de reste… Si on y ajoutait Zizou ? » Va pour Zizou ! La tâche de sélectionneur n’est pas facile, surtout si l’on se pique comme moi de respecter la parité des sexes. Ça ne fait rien. A l’idée qu’il pourrait accompagner Francis Bacon dans ses dégagements au pied, voilà mon commis requinqué qui se met sitôt à brailler : « Ooooh ! hisse ! Ooooh ! hisse ! Ongulé ! » (Ouf ! je ne suis pas peu fier de l’avoir un tantinet policé).

Il ne restait, pour que le tableau soit complet, qu’à introduire sur la pelouse un de ces streakers* hilarants dont le Royaume-Uni raffole. Qui aurait mieux que Catherine Millet fait l’affaire ? La rédactrice en chef d’Art Press n’est plus avare de son anatomie depuis le roman à succès où elle narre ses parties de fesse. Publicité ? Intention artistique, dans la mouvance du Body Art ?…

Si cet été vous rencontrez devant le château d’Aubenas quelqu’un qui s’impatiente avec son drap de bain, son petit seau et sa petite pelle, ce sera sûrement mon commis. Parlez-lui d’art, ça le consolera. Quant à moi, désireux d’asseoir définitivement l’essor de Les Temps d’Arts, j’hésite encore à entamer une carrière de danseuse nue à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris.

 

Streaking : spécialité britannique qui consiste à filer nu, à toutes jambes, devant le service d’ordre.

 

 

 

Aujourd'hui, jour de deuil national,

(dois-je te rappeler, supporter écervelé, que tes héros ont dû remballer hier leur si seyante panoplie tricolore ?)

je serais plus enclin à proposer une solution radicale : 

 

foot-1.jpg 

 

Et pour l'usage final, je vous laisse juger.

Un baby-foot ?

Plutôt un barbecue ? 

 

Je plaisante, bien sûr !

Il n'y a plus d'anthropophages dans nos contrées (encore que... !).

...J'ai mangé le dernier hier soir.

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C
félicitations! tu avais su rester proche de la culture de ton commis avec le bacon, ce sont des détails qui motivent comme la confection des brochettes 😂
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G
Je n'ai jamais hésité à mélanger l'art et le cochon. 😁<br /> http://gehem.over-blog.fr/2015/03/une-journee-sans-barbus.html
P
<br /> Même en babyfoot ça dégoûte ! A la rigueur en brochette... Mais ils sont déjà grillés !<br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> ...Et nous savons bien qu'une viande carbonisée est tout ce qu'il y a de plus nocif ! <br /> <br /> <br /> La fin de cette lamentable aventure était tellement prévisible que j'avais programmé l'article (comme je le fais en règle générale) il y a plus d'une décade. Je suis dévoré par le temps, en ce<br /> moment.<br /> <br /> <br /> Merci, Pom, et au plus tôt quelques commentaires sur l'un ou l'autre de tes 2 excellents blogs. Promis !<br /> <br /> <br /> <br />