Vous m’auriez vu enfant de chœur pour la fête de l’Éternel, rose de fierté, en surplis blanc et soutane coquelicot : un angelot de catalogue ! En tête de la procession, nous étions douze chérubins, semblablement parés comme des manches de gigot, qui jonchions le chemin de pétales de roses. Un monseigneur au teint vermeil suivait, élevant l’ostensoir où reposait l’agneau sacré…
Arrête, je bande !
Je n’ai jamais été si près de Dieu. Bon, c’est pas tout, faut que je me presse : j’ai rendez-vous avec moi.
RENDEZ-VOUS MANQUÉS
Putain, c’est pas tout le monde
Qui a eu comme moi la chance
De recevoir une excellente éducation bourgeoise.
M’sieur mon papa m’a enseigné,
Sans grand succès, la ponctualité.
Faut dire que s’il aurait rougi
D’être à la traîne de son époque
C’est pas à lui qu’il fallait demander
D’être en avance sur son temps.
M’dame ma mère, sainte ratée de son état,
Avait avec le bon Dieu de ses rêves
Une relation souriante de bon voisinage.
Z’ont arrangé pour moi
Un premier rendez-vous :
Pas plus de bon Dieu que de saints.
Aux rendez-vous qui ont suivi
J’ai vu des curés, des évêques,
Quoi ! des sous-fifres,
Mais, nom de Dieu !
De bon Dieu toujours point.
« Ce sont des procédés pas bien polis »,
Qu’je me suis plaint timidement
À m’sieur mon papa
Et ça l’a mis dans l’embarras.
M’dame ma mère qui a toujours rêvé pour moi
D’une destinée poétique enluminée d’alexandrins
S’est faite messagère du ciel
Et a glissé, à la droite du père,
Auprès de mon assiette
De jésus de Morteau persillé,
Le joli bristol que voici :
Tu es le fils en qui j’ai mis
Toutes mes espérances, ne doute pas,
J’ai l’éternité devant moi.
Signé : Dieu.
Sans doute, sans doute…
Mais moi j’ai pas que ça à foutre !
© Géhèm