Ne nous égarons pas dans les détails décoratifs : je suis un solitaire de bonne compagnie. Faut pas trop me courir sur le haricot, c'est tout !
Un catalogue à surprises...*
La surprise initiale...
Un message d'Irène Ducrocq sur mon adresse contact le 7 avril dernier, en pleine période de confinement (que mon adresse contact, depuis longtemps défaillante, ait joué son rôle était en soi déjà une heureuse surprise) :
Bonjour Géhèm, Jeanne Daour a exposé une toile « L'artiste et le pétrole » au musée Galliera en 1959, lors d'une exposition organisée par Shell-Berre : Le pétrole vu par cent peintres. Ma source est le catalogue de cette exposition. Les reproductions sont en noir et blanc. Le tableau est un autoportrait ; en arrière-plan, lampes et bougies devant une fenêtre, un bout de mur avec deux esquisses. Moi aussi, elle m'a touchée.
Cordialement.
Pas de photo, le formulaire de contact ne le permet pas.
Le surlendemain, pouvait me parvenir - à mon adresse mail, cette fois - image du catalogue en question et de sa page de présentation...
* Le pétrole vu par cent peintres
5 octobre 1959. Catalogue de l'exposition Le pétrole vu par cent peintres
Editeur : Musée Galliera - Paris
Imprimeur : L'EDITION ARTISTIQUE - Paris
Présentation :
Une préface pages 5 et 6
Reproductions en N & B de peintures à l'huile de 103 artistes peintres

Artistiquement, je ne doute pas que vous ayez déjà vu catalogue plus engageant.
Du moins est-il pleinement inspiré par l'esthétique dominante des années 50 et en accord avec l'affiche de l'exposition que conçut Paul Colin, l'un des affichistes les plus intéressants et les plus sollicités de l'époque (ajout personnel)...

Mais l'essentiel était là...
La reproduction pleine page de la toile conçue par Jeanne Daour :

Regret, bien sûr, que le catalogue ait été imprimé en noir et blanc.
Irène Ducrocq me précise :
Beaucoup de peintres ont répondu à la commande en représentant des raffineries. D'autres ont choisi des derricks, des pétroliers. Certains ont traité le sujet des usages domestiques : pompes à essence, lampes à pétrole, réchaud de camping. Jeanne Daour est la seule à avoir fait un autoportrait. En arrière plan, c'est peut-être un tableau, et pas une fenêtre, comme je le pensais tout d'abord.
Il me faut dire que l'image ici reproduite l'a été grâce à un appareil photo. Alors contrainte de rester chez elle, privée de scanner, Irène Ducrocq m'a fait la proposition de scanner l'ensemble du catalogue dès qu'elle le pourrait (je n'en demande pas tant) et m'informait de ce qu'elle avait entrepris des recherches sur chacun des peintres représentés dans l'espoir de repérer un potentiel témoin (ce qui l'a conduite jusqu'à mon blog).
Dire ensuite que, si l'absence des couleurs d'origine ne facilite pas l'analyse du tableau, la première interprétation paraît être la bonne : il faut voir dans le grand motif de droite une fenêtre dont la vitre fermée sur la nuit reflète les objets du premier plan (lampes, bouteille, etc...). Un environnement d'atelier banal qui nous plonge de façon sensible dans le quotidien de Jeanne.
C'est un temps considérable que nécessitent des investigations à mener sur 102 autres créateurs dont à ce moment j'ignorais jusqu'au premier nom. Voulant, en date du 16 avril, en féliciter Irène, j'avançais en conclusion d'un courriel :
PS : En songeant à Jeanne, je ne peux m'empêcher de penser que Jacques Yankel qui vient de disparaître l'a peut-être connue.
Je vous laisse le lien de l'article que je lui ai consacré sur mon blog (qui sait si quelques noms qui y sont évoqués dans une pièce rapportée ou l'autre ne figurent pas dans le catalogue Shell-Berre ?)
http://gehem.over-blog.fr/2020/04/jacques-yankel-1920-2020.html
Retour de courriel : Jacques Yankel faisait partie des "100" de cette exposition, avec un tableau intitulé "Derrick de nuit". (Nous y reviendrons plus tard.)
L'information était accompagnée de la liste complète des exposants.
Un certain nombre d'entre eux étaient liés, d'après ce que j'ai pu déduire de la lecture des pages wiki, me précise Irène.
L'un d'eux, Maurice Buffet, habitait à Coulomb, en Eure-et-Loir, un village voisin du mien, et c'est peut-être pour cela que j'ai trouvé le catalogue ici. (Jeté, j'adore faire les bennes). C'était il y a dix ans, et voilà ce confinement qui me donne l'occasion de m'y consacrer enfin.
Insérer ici la liste des 103 prendrait trop de place. Je l'ai cependant épluchée, je crois, autant qu'il m'était possible, dans l'optique de dégager de nouvelles pistes qui auraient rapproché l'un ou l'autre de Jeanne.
Une grosse poignée de signatures dont je connaissais assez largement l'oeuvre (Brayer, Carzou, Toffoli, Waroquier, Paul Colin...), deux petites poignées de noms dont j'avais rencontré quelques réalisations. Pour le plus grand nombre, inconnus au bataillon : c'était le cas de Maurice Buffet (la renommée de son homonyme a dû lui faire pas mal d'ombre) dont j'ai découvert pour l'occasion d'assez nombreuses reproductions avec plaisir, sans en être bouleversé.
De tout ce monde, par ailleurs talentueux, qui reste-t-il aujourd'hui ? Aucun de ceux qui autour de la filiation artistique d'Othon Friesz auraient été les plus susceptibles d'avoir connu notre Jeanne. Un survivant, Claude Yvel (90 ans, cette année) dont je doute que son activité ait pu l'amener à connaître les circonstances de sa fin de vie.
A quelques semaines près, j'aurais peut-être pu interroger Yankel, en me gardant bien de penser qu'il aurait été en mesure de m'en apprendre davantage qu'un autre. C'est, en tout cas, en faisant part de ces réflexions à Irène que je lui exprimai ma curiosité de découvrir son "Derrick de nuit" pour vérifier s'il figure sous l'une des sept références que j'avais notées dans l'ébauche de son catalogue raisonné... PATIENCE !
Dans son tout dernier courriel en date, Irène Ducrocq me donnait le lien d'une archive du Monde dans laquelle sont cités une grosse quarantaine d'exposants. Jeanne Daour n'en fait pas partie. S'agissant d'un article réservé aux abonnés, peut-être est-elle présente dans la partie à eux seuls accessible.
Entre-temps, outre l'approche du tableau de Yankel, d'autres surprises m'avaient réjoui.
Point trop n'en faut étaler d'un coup sous peine de lasser.
(A suivre...)
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